AccueilDécouvrir MeslanHistoire locale18 Avril 1904 - Bagarre à Saint Patern

18 Avril 1904 - Bagarre à Saint Patern

 

Extrait de la presse de l’époque

"Le Faouët, 24 avril.

Voici de nouveaux détails, détails très précis sur la sanglante bagarre de Meslan. Ils corroborent sur plusieurs points le récit que Le Nouvelliste a fait de ce déplorable évènement. A la suite du conseil de révision du Faouët, le 18 mars, les conscrits de Berné avaient chemin faisant provoqué les conscrits de Meslan. Les conscrits de Berné ayant à traverser le bourg de Meslan s’arrêtèrent à l’auberge tenue par Monsieur Rousseau, boulanger. Pendant ce temps, les conscrits de Meslan apprenant que deux des leurs avaient été molestés s’étaient ameutés attendant la sortie de Berné. Il s’en suivit une bagarre à la suite de laquelle ceux de Berné durent s’enfuir après avoir abandonné leur drapeau qui fut ramassé par le nommé Evenou, domestique à la ferme de Kerantoch, qui en confia la garde à sa mère habitant Prat-Meno.

Le dimanche suivant, après la messe matine de Berné, les conscrits résolurent d’aller chercher leur drapeau et convoquèrent tous les hommes de bonne volonté de leur commune. La colonne, composée d’environ trente personnes, clairons en tête, devait traverser le bourg de Meslan pour aller à Prat-Meno. Aussitôt les gamins de Meslan se répandirent dans la campagne pour appeler au secours. Les hommes ne tardèrent pas à se masser au bourg, interceptant ainsi la retraite à deux de Berné. Puis ils marchèrent sur Prat-Meno où les gars de Berné n’avaient pu se faire donner le drapeau, caché dans un grenier. Berné, pris en queue, dut fuir à travers champs, même à travers une mare, pour regagner son territoire. Victoire restait donc à Meslan, mais les conscrits craignant un nouveau retour offensif de Berné confièrent le drapeau au village de Bonigeard, beaucoup plus grand que Prat-Meno et plus défendable.

La foire de Saint Patern approchait. Les conscrits de Meslan disaient : "Si les conscrits de Berné nous avaient envoyé deux d’entre eux nous réclamer leur drapeau, nous ne leur aurions rendu qu’après nous voir fait payer un verre. Puisqu’ils veulent le prendre par la force, nous le mènerons à la foire de Saint Patern et nous verrons si Berné pourra le reconquérir.

Le samedi 16 avril, avant-veille de la foire, le recteur de Berné se décida à aller chercher lui-même le drapeau à Bonigeard et le rendit à ses conscrits en leur prêchant le calme. Les conscrits de Meslan ne furent pas contents parce que Berné leur avait pris aussi un chapeau qui n’était pas rendu. Le maire de Meslan prêcha le calme mais pour plus de sûreté demanda la présence de quatre gendarmes à la foire. De fait, jusqu’à 5h45 du soir le foire resta calme. Les conscrits des deux communes fraternisèrent même. A cette heure, les conscrits de Meslan faisaient le tour de la chapelle Saint Patern en chantant. Passant devant l’auberge d’Evenno (ou Evenou), débitant de Meslan, une table fut heurtée et la chope d’un nommé Le Bars, marchand de gâteaux à Plouay, fut renversée. Le Bars, furieux, prit la chope et la lança sur les conscrits. Ce fut un nommé Faramin qui fut atteint. Les conscrits, après quelques, pas, revinrent demander raison à Le Bars de son agression. C’est Evenno qui discutait avec lui et même à un moment il sauta en l’air avec son chapeau à la main. Il ne semble pas ressortir de l’enquête que Evenno ait frappé.

Mais à ce moment arrivaient les quatre gendarmes appelés par on ne sait qui. Le maréchal des logis se précipite sur Evenno et lui demande son nom. Evenno refuse de le donner ; les gendarmes veulent le conduire à la mairie. Croyant à une arrestation Evenno se débat et résiste ; on lui passe les menottes. La foule prend parti pour Evenno et lui crie : "Ne donne point ton nom". Plusieurs personnes s’adressant aux gendarmes leur crient : "Pourquoi l’arrêtez vous ? Il n’a rien fait.". Les gendarmes ne veulent rien entendre et se mettent en marche entraînant le prisonnier vers la maison commune. Le maréchal des logis et le gendarme Le Roll maintiennent Evenno ; en arrière les deux autres gendarmes empêchent la foule d’approcher.

Mais bientôt une grêle de pierres s’abat sur les gendarmes. Les deux qui se trouvaient à l’arrière sont séparés du gros du groupe. Le maréchal des logis les rappelle mais trop tard, il était séparé de tout soutien. C’est alors que les gendarmes sortent leurs revolvers et en tirent plusieurs coups à balle. A ce moment une pierre vient atteindre le gendarme Le Roll à la tête. Evenno qui avait été atteint de plusieurs coups de pierre dans le dos se dégage des mains du maréchal des logis et ayant rompu ses menottes se sauve dans la direction du village de Saint Yzaouen. A la première décharge des revolvers des gendarmes, le nommé Cario, de Priziac, âgé de 26 ans, buvant à l’auberge Rousseau, est atteint d’une balle qui le frappe à la nuque et ressort par l’œil, une autre personne, le nommé Le Moing, de Bodaval, recevait à près de cinq cents mètres plus loin une balle dans l’abdomen.

A ce moment la foule s’ameute contre les gendarmes et se met à leur chasse. La poursuite de gendarmes fut effrayante. Toutes les personnes qui restaient à la foire sans exception se lancèrent après eux à coups de pierre. Le maréchal des logis fuyant plié en deux fut le plus atteint. Les coups de revolvers continuent ; vingt-trois ou vingt-quatre ont été tirés en tout. La poursuite s’arrête sur la route où les gendarmes réquisitionnent des voitures pour rentrer au Faouët.

Aujourd’hui le maréchal des logis reste alité. Nouveau venu, il s’était montré implacable vis-à-vis des habitants qui ne l’aimaient pas. Les sommations ont-elles été faites ? Je le crois. La chose qu’on peut lui reprocher c’est d’avoir montré vis-à-vis d’Evenno un manque d’adresse pour obtenir son nom. Il ne faut pas oublier que Evenno était champion de Meslan ; mais il semble que dans tout ceci il a été parfaitement innocent.

Le capitaine de Pontivy, venu le lendemain, se montrait lui d’une sévérité exagérée vis-à-vis des autres gendarmes qui arrivés dans la nuit n’étaient pour rien dans ce qui venait de se passer."

 Haut de page